vendredi 2 septembre 2011

Délaissant les grands axes, j'ai pris la contre allée...

"Hou-oo-ou ! (Japhy se releva d'un bond.) J'ai lu Whitman, et savez vous ce qu'il dit ? Debout les esclaves, faites trembler les despotes étrangers. Il croit que telle doit être l'attitude du Barde, du Barde Fou inspiré par le Zen, sur les vieilles pistes du désert. Il croit qu'il faut imaginer le monde comme le rendez-vous des errants qui s'avancent sac au dos, des clochards célestes qui refusent d'admettre qu'il faut consommer tout ce qui est produit et par conséquent travailler pour avoir le privilège de consommer, et d'acheter toute cette féraille dont ils n'ont que faire ; réfrigérateurs, récepteurs de télévision, automobiles (tout au moins ces nouvelles voitures fantaisistes) et toute sorte d'ordures inutiles, les huiles pour faire pousser les cheveux, les désodorisants et autres saletés qui, dans tous les cas, atterriront dans la poubelle huit jour plus tard, tout ce qui constitue le cercle infernal : travailler, produire, consommer, travailler, produire, consommer. J'entrevois la grande révolution des sacs à dos. Des milliers, des millions de jeunes Américains, bouclant leur sac et prenant la route, escaladant les montagnes pour prier, faisant rire les enfants, réjouissant les vieux, rendant heureuses les jeunes filles et plus heureuses encore les vieilles, tous transformés en Fou du Zen, lancés de par le monde pour écrire des poèmes inspirés, sans rime ni raison, pratiquant la bonté, donnant l'image de la liberté par leurs actes imprévus, à tous les hommes et même tous les être vivants ; c'est cela que j'aime en toi Goldbook, et en toi Smith, venus tous deux de cette côte Est que je croyais morte."
Les Clochards Célestes, Jack Kérouac, 1958

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