mardi 1 novembre 2011

Un endroit bien particulier...Yosemite

Apres mon experience vegasienne, je cours me mettre au vert, et la Yosemite Valley est indeniablement le bon endroit pour cela ! Plus exactement, fuyant le touriste, je trouve refuge a Camp 4, ce qu’ici les gens appellent le camping des grimpeurs. En effet, la reputation de ce camping n’est plus a faire, tant il a vu defiler les legendes de l’escalade mondiale (pour ceux que cela interresse, lire Camp 4 qui relate les péripéties des pionners de l’escalade moderne au Yosemite). Pour autant, la legende n’appartient pas au passé et il souffle encore sur ce camping un vent d’aventure matiné de refus d’une vie conventionnelle. Si vous voulez avoir l’air d’un local, le «dress code» a respecter est le suivant :
- un bonnet de laine laissant echapper quelques meches de cheveux qui n’ont pas vu les ciseaux d’un coiffeur depuis bien longtemps.
- une frontale a porter de jour comme de nuit
- l’incontournable doudoune, qui un jour lointain fut orange flashy, et qui aujourd’hui porte les stygmates de multiples ascensions sous la forme d’accros repares au duct tape et d’indelibiles traces de suie, signe des nombreuses nuit passées autour d’un feu
- enfin, une paire de chaussures 5.10, dont la semelle part en lambeaux mais que l’on ne changerait pour rien au monde.

Ca contraste ferocement avec les pompes en marbres et les costards en saumon fume de Vegas, et ici je me sens comme un poisson dans l’eau !

Au petit matin, il faut voir les cordées préparer leur matos : c’est un grand étallage de pitons, cordes, coinceurs, baudriers, bref tout le necessaire pour se mesurer au géant de granite qui du haut de son kilometre verticale regne sur la Yosemite Valley, le bien nommé : El Capitan.

Son nom revient sur toutes les levres, il est de toutes les conversations et pour cause! Mais rien de tel qu’une soirée au coins du feu pour réaliser que ceux qui osent se mesurer a ses voies, que l’on gravis le plus souvent en plusieurs jours, faites de failles interminables, de pendules effrayants et de vires etroites sur lesquelles installer sont portaledge pour un bivouac aérien, ont quelque chose a part, de réellement hors du commun.

La nuit est tombée depuis quelques heures maintenant, le feu crépite, les rechauds ronronnent, les pates et soupes chinoisent cuisent, une bouteille de bourbon et de la marie locale bio tournent, les guitares s’accordent, tous les élements sont reunis pour passer une soiree merveilleuse mais ô combien ordinaire a Camp 4. Au cours de l’une d’elle, j’aurais la chance d’assister au recit d’un grimpeur un peu particulier, Dan. Ce pompier de 41 ans, a donc debarque de son Idaho natal (état pas franchement réputé pour la grimpe), il y a quelques semaines. Il a deja a son actif quelques voies sur les falaises de gres de Zion, mais rien de comparable a El Cap’. Et il a décidé de le gravir, en solo (c’est a dire avec l’aide de matériel, mais seul), en empruntant une voie mythique : le Nose ! Plus de 30 longueurs, 1km d’ascension, sur une arrete bien identifiable, c’est LA voie d’El Cap’. Ouverte en 47 jours en 1958, malgre sa difficulte, elle a ete depuis repetée mais par par n’importe qui et pas n’importe comment. La legende autours de cette voie a notamment été battie par un petit brin de femme, Lynn Hill, qui en 1993, damna le pion a tous ces males exhubérants qui pulullent dans le petit monde de l’escalade et particulierement au Yosemite, en reussissant en 4 jours la premiere ascension en libre (c’est a dire sans tirer sur les pitons ou autres clous en place), renouvellant son exploit un an plus tard en 23heures. Cette type d’ ascension, en libre, continue de faire rever, car personne depuis, n’a reussi a repeter la voie de cette maniere. Dans un autre ordre, aujourd’hui, des cingles, des grimpeurs d’un autre monde tentent regulierement de battre le record de vitesse sur cette voie (dans ce cas, tous les moyens sont bon pour atteindre le sommet), record a battre : 2h36min!!!!

Bref, c’est a ce morceau d’histoire, a cette voie mythique que Dan a decide de se mesurer. Il y passera 10 jours ! 12 heures d’escalade quotidienne, reclamant quelques 6000 calories d’energie (sous forme de barre de cereales, de M&M’s, de chips concassees et de cereales deshydratees enrichies en proteines). Malgre les 40 litres d’eau qu’il emportera, il souffrira de deshydration et dans les derniers jours, il lui faudra parfois plus d’une heure pour réanimer les muscles de ses mains. Une fois redescendu dans la vallee, il sera surpris d’apprendre que tous le monde a Camp 4 a entendu parler de «Solo» Dan. En effet, c’est aussi ca la magie de Camp 4, les nouvelles vont vites et personne n’ignore qui est sur El Cap’ a un moment donné et dans quelle voie.

Il confiera n’avoir pas encore realise ce que cette ascencion lui a appris sur lui-meme et qu’il lui faudra du temps pour le faire...son bonheur : avoir été capable de surmonter la petit voix qui lors des premieres longueurs lui commandait de battre en retraite, et ces moments de profond vide intellectuel, ou son corps semblait immuablement guide vers le sommet, état ressenti comme etant profondement naturel, une part de son etre qu’il n’a pu decouvrir que de cette maniere.

Il nous contera également qu’il recevra de l’aide dans sa redescente vers la vallee. En effet, tout un milieu «underground» vie ici, par et pour la grimpe. Ces «Yosemite Bums», doivent jouer en permanence a cache-cache avec les rangers, car le sejour maximum tolere, d’apres les regles du parc, est de 30 jours par saison. Autant dire rien du tout pour ceux qui ne se sentent bien qu’a la verticale. Alors, ils courent les bois, decouchant chaque soir, monnayent leur services lorsqu’il s’agit d’aider a descendre du materiel du haut d’El Cap’ (service auquel a eu recours Dan, epuisé) et connaissent toutes les astuces pour manger a pas chers ou prendre une douche chaude dans le lodge 4 etoiles de la vallee. Seule la neige les poussent a quitter celle-ci en hiver. Certains partent alors quelques mois en l’Alaska par exemple, terre promise pour ceux qui se sentent le courage de travailler 16h par jours, 7jours/7 dans une conserverie de saumons. En echange, ils seront nourris, loges, exhoneres d’impots et toucheront plus de 3000 dollars par mois, de quoi remplir le compte en banque avant de s’echapper vers de nouveaux horizons, au Yosemite, mais parfois plus loin (Nepal, Nouvelle Zelande, Patagonie,...). J’aurais l’occasion de rencontrer un de ces individus passionnes, un petit gars d’une vingtaine d’annees, grimpant du 8b+, avec dans les yeux, un éclat particulier que meme mes questions concernant les conditions de (sur)vie ici ne parviendront pas a ternir : «Money goes around» me repondra-t-il avec malice.

Pour ma part, point d’escalade, mais des randos. Et cela suffira a me regaler !

Comme ici au sommet d’Half Dome, un autre majestueux sommet de la vallee : http://vimeo.com/31580138

Enfin, je crois que je n’oublierais jamais mon arrivee au sommet de North Dome. J’en pleurerais dis-donc, et puis tout de suite apres, voila que j’eclaterais de rire ! Une sorte de petit satori comme seules des montagnes exceptionnelles peuvent vous procurer. Pas de commentaire cette fois, juste le bruit du vent...cela suffit amplement.

http://vimeo.com/31585198



Lien

1 commentaire:

  1. 'Ouais ben là voilà des touristes qui hurlent'... j'adore. Magnifiques vues, sympa le 360!

    RépondreSupprimer